top of page

L'HISTOIRE DU POLO À DEAUVILLE

Les origines du polo

 

On joue au polo à Deauville en 1880. Cette information est tirée de l'ouvrage de Louis Enault titré Deauville, et publié en 1880 sous la forme laconique suivante : Le jeu de polo a pour théâtre la pelouse du champ de courses.

Deauville semble donc être le lieu en France où se déroulèrent les premiers matchs de ce premier sport d'équipe au monde, conjointement avec Dieppe où se joua, cette même année 1880, un match entre une équipe française emmenée par le duc de Guiche et une équipe anglaise.

Ce sport équestre daterait de plus de 2500 ans avant Jésus-Christ, et aurait pris naissance au fin fond de l'Asie centrale, le long de la route de la soie, peut-être du côté du Turkménistan, le pays des fameux Akhtal-tékés, la race de cheval de selle la plus pure et la plus ancienne au monde. On dit qu'il fut pratiqué par Alexandre le Grand et Darius lll, roi de Perse. C'est pourquoi on a coutume de dire que c'est le sport des rois et le roi des sports !

À cette époque, le polo est d'abord un entraînement pour les unités de cavalerie des tribus guerrières locales ; il se propage rapidement alentour : en Perse, au Tibet, en Mongolie, en Chine; puis à l’ouest à Constantinople au XIIIème siècle, et aux lndes au XIVème. Le jeu de polo devient alors le jeu royal le plus populaire. Découvert par des planteurs de thé anglais de Calcutta vers 1854, il arrive en Europe peu après. Et c’est naturellement en Angleterre, en 1869, que le premier match a lieu entre le 10ème hussards, et le 9ème lanciers à Hurlingham dans le Middlesex. Le club de cette ville adopte ce sport en 1873, entreprend progressivement sa codification et va devenir le temple du polo pendant très longtemps.

 

Sept ans plus tard (1880), le polo est à Deauville ! Nous ne savons rien (pour l'instant) des conditions de jeu et des équipes en présence. Mais désormais la pelouse de l'hippodrome de la Touques va chaque année ramener en son centre cavaliers et montures en pleine période de l'été. En 1900, le polo est discipline olympique ; il le restera à cinq reprises pour se voir définitivement retiré du programme après les Jeux olympiques d'été de 1936 à Berlin.

Naissance du Polo Club de Deauville

 

En 1907, le club de polo de Deauville est fondé par le baron Robert de Rothschild, le capitaine Joubert et le duc de Guiche, futur duc de Gramont et premier président. Ce qui n’était jusqu'à maintenant qu’une aimable amicale de joueurs sous la direction du marquis de Villavieja devient une institution. D'importantes écuries sont construites et les terrains, toujours au centre de l’hippodrome de la Touques, sont améliorés par apports massifs de sable.

Les parties de polo sont suivies par une foule élégante prenant part au thé qui a lieu pendant les réunions. Un gymkhana et une fête pour les enfants entrent au programme des festivités, et un championnat open est alors institué l‘été par le duc de Guiche.

En 1912, on trouve dans le comité directeur du club, outre les personnes déjà citées, le comte Jacques Le Marois, le président des courses de Deauville, et Arthur Capel dit Boy Capel, le commanditaire de la jeune Gabrielle Chanel, qui ouvrira l'année suivante sa première boutique de chapeaux rue Gontaut-Biron, et qui aura la brillante carrière que l'on sait. Gabrielle, qui monte très bien, est très assidue et ne manque pas un match de son brillant protecteur.

Après la Première Guerre mondiale, le club normand attire toujours des équipes françaises et anglaises de très bon niveau. Il y a désormais deux terrains, dont un pour l’entraînement.

À la fin des Années folles, les concours d’élégance font leur apparition dans l'univers du polo. Ainsi en 1927, ces dames portent des toilettes de Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Jacques Doucet, Jenny, ou Germaine Lecomte.

Le duc de Gramont accueille, l’été 1922, S. M. le roi Alphonse Xlll d'Espagne, joueur passionné et cavalier émérite, avec la sympathique équipe El Gordo. Reçu officiellement à la mairie de Deauville par le maire Eugène Colas, il passe une grande partie de son temps au polo, ou à cheval sur la plage, quand il n'est pas au tir aux pigeons ou à la Potinière ! Mais c’est le sport des rois qui l’attire le plus !

Écoutons Michel George-Michel, chroniqueur de la cité normande de 1912 à 1992 :

«Grande attraction, Sa Majesté va jouer au polo. On a multiplié les tables : tout Londres, tout Paris, tout Madrid et leurs plus célèbres joueurs sont là : le duc de Guiche, Robert et James de Rothschild, le prince Radziwill, M. Bamberger, M. Fauquet-Lemaitre, et le Team Madrid vainqueur, samedi, de la Coupe Gramont, les marquis de San Miguel et de Villabragima, Harges et J. A. Traill. On attend. Voici les chevaux du roi amenés par des petits écuyers bruns, au képi gris ; enfin voici I’Hispano qui va droit au vestiaire, d’où sort après quelques minutes une vision de Vierge : en maillot blanc, casqué de blanc, les bras bruns et longs, le long torse monté sur des bottes qui exagèrent encore la longueur et l’écartement des jambes, c’est le Philippe IV de la légende, au menton descendu, aux yeux encadrés d'ombre, à la petite moustache qui semble être postiche, la jugulaire allongeant encore l’ombre. On amène au roi un petit bai. Et aussitôt la partie commence. Lord Rocksavage, le colonel M. Lannoux, le comte de la Maza sont avec  le roi, contre MM. Monbrison, T. Hitchcock, F. H. Prince, et le général Fitzgerald, aux terribles sourcils roux. »

Coéquipier d’Alphonse XIII, l‘Américain Tommy Hitchcock était un redoutable maillet, l'un des plus grands joueurs de l'époque. Mais les meilleurs joueurs sont ceux en provenance de l'armée des Indes qui, saison après saison, renforcent tantôt une équipe, tantôt une autre, et constituent le plus souvent la célèbre équipe des Tigres du comte Jean de Madre.

Dans cet entre-deux-guerres, les autres équipes ont pour nom Piratas, Diables, Antwerp, Charritos, Pickles, Leopards, Reds Devils, Panthers, Incas, Mosquitoes, Madrids, Deauville. La Coupe de Gramont naît à ce moment, et se dispute encore aujourd‘hui. Mais la plus surprenante des formations de cette période, qui gagne l’open de Deauville en 1930, est certainement la jeune équipe Team Royal Navy, venue de Malte, et commandée par le lieutenant de Vaisseau « Dickie » Mounbatten, futur vice-roi des Indes. Sa discipline, son homogénéité, et son allant conduisent l'équipe à la victoire de l’open contre des adversaires bien plus chevronnés. Cette équipe qui ne totalisait que douze goals se composait, outre l'oncle de S. M. la reine Elisabeth Il (Louis Mountbatten), des lieutenants-commanders, C. R. W. Gairdner, E. G. Heywood-Londsdale, et C. E. Lambe ! Ils gagnent dans la foulée l’année suivante à Hurlingham le trophée si convoité outre-Manche, du championnat inter-régimentaire.

Winston Churchill, grand amateur de polo, joua plusieurs fois à Deauville tout en poursuivant sa carrière politique. Ainsi, en août 1922 à l‘Hôtel Royal, il rencontra Reza Chah qui avait entrepris un voyage prolongé en Europe. Il lui exprima sa confiance dans le nouveau gouvernement de Perse, par la suite les Britanniques jouèrent un rôle primordial dans l’ascension des Palhévi.

Création de la Coupe d’Or de polo

 

L’événement le plus important dans l’histoire du polo à Deauville est la création en 1950 de la Coupe d’Or par François André, président de la chaîne des Hôtels et Casinos de Deauville. La sage décision de limiter ce tournoi à vingt goals permet d’égaliser les chances de tous les pays qui y participent ; et le fait que cette formule soit copiée ailleurs en prouve l'intérêt évident.

Cette compétition va devenir au fil des années l'une des plus importantes manifestations de ce sport en Europe, réunissant les plus grands joueurs du monde.

La première Coupe d'Or de 1950 est gagnée par l'équipe Franco-Espagnole emmenée par Élie de Rothschild, qui va se distinguer de nombreuses années et la remporter deux nouvelles fois en 1958 et 1959 avec la célèbre équipe Laversine où jouent les mythiques frères P. et A. Gracida. Depuis cette date, les équipes les plus réputées viennent chercher à Deauville la consécration de leur valeur internationale.

Parmi les grands joueurs depuis la Seconde Guerre mondiale, parlons d'abord des Argentins. L’Argentine est aujourd'hui le pays où le polo est au meilleur niveau. Ce jeu y est introduit très peu de temps après l'Angleterre, vers 1875, apporté par les colons anglais en banlieue de Buenos Aires dans le quartier de Cabalitto. Depuis. Il s'est déployé dans ces immenses étendues de la pampa, la terre des gauchos, et y offre une de ses plus belles expressions. La Fédération mondiale de polo réside aujourd'hui à Buenos Aires, et le tournoi le plus relevé du monde est l'open de Palermo qui, en 2018, va aligner sa 125ème édition ! C'est là aussi que se déroule le championnat de polo argentin, très populaire dans toutes les couches de la société, et qui réunit des joueurs de grande qualité.

Les meilleurs joueurs dans la discipline sont les joueurs de handicap 10, généralement tous des Argentins. Et de même qu'il y a ou qu'il y eut dans le monde, de grandes familles de peintres ou de musiciens, de marins ou de scientifiques. Il y a en Argentine de grandes dynasties de joueurs de polo ; les Heguy. Zavaleta, Dorignac, Pieres. Diaz Alberdi en sont de brillants exemples. On peut régulièrement les admirer chaque année au tournoi de Deauville, qu'ils ont l'habitude de fréquenter, faisant ainsi de la manifestation l'une des plus relevées au monde. Pour chacun d’eux, la Coupe d'Or est une étape obligatoire du palmarès personnel.

Les autres pays ne sont pas en reste. On peut citer:

  • l’Angleterre avec H. P. Guiness, Balding. Lucas, P. Withers;

  • L'Inde avec le maharajah de Jaipur, Hanut Singh, Prem Singh, Jabar Singh, Bijaï Singh, Kishen Singh, vainqueurs en 1957, et l'équipe lndes ;

  • L'Espagne avec les Echevarrieta, les Domecq. Aznar ;

  • Les États-Unis avec S. Stanford, G. Oliver, A. Corey, E. Hopping ;

  • Le Chili avec R. Lyon, A. Chadwick, P. Astaburuag ;

  • Le Mexique avec les Gracida, Sollorzano, Rincongaillardo, Muller;

  • L’Italie avec Franco, Remmert, Pasquini, Bendoni ;

  • Enfin Saint-Domingue avec le célèbre Porfirio Rubirosa et son équipe Cibao La Pampa, vainqueur en 1951,

La France n'est pas oubliée. Chez les vainqueurs de la Coupe d’or, on relève ainsi les noms de G. de Monbrison, vainqueur en 1954 avec l'équipe Pointe noire ; Élie de Rothschild vainqueur en 1950 avec la Franco-Espagnole en 1950, et en 1958 et 1959 avec l'équipe Laversine ; Robert de Balkany vainqueur en 1965, 1967 et i969 avec l’équipe Sainte Mesme ; Guy Wildenstein vainqueur avec la fameuse équipe les Diables bleus en 1970, 1973 et 1975.

Le record appartient à l'équipe The Falcons d’Alex Ebeid, vainqueur à sept reprises en 1979, 1981-82-83-85-86-87; mais juste derrière arrive Talandracas, l’équipe talentueuse d'Edouard Carmignac, le financier aussi habile à manier les chiffres que le maillet, récent vainqueur en 2002, 2004, 2010, 2013 et 2016 ; ex-æquo avec Royal Barrière d’André Fabre, vainqueur en 2000-2001, 2009 et 2011. Ces deux équipes sont encore en course pour battre le record des Falcons.

Au fil des années les compétitions se sont enrichies. Il y a maintenant aussi une Coupe d'argent, une Coupe de Bronze, une Ladies Polo Cup, une Kids Polo Cup et du Beach Polo sur la plage de Deauville. En 2007, le centenaire du Polo de Deauville a tenu à célébrer cet événement par un match des légendes, en hommage aux joueurs qui ont contribué à créer la magie, et la renommée du polo à Deauville. 

Ce match disputé le mercredi 15 août 2007 a tenu toutes ses promesses pour le plaisir de très nombreux spectateurs. Répartis en deux équipes empruntant le nom de deux formations vainqueurs ici même, The Falcons et Labegorce, on trouvait d'un coté : Ernesto Trotz (hcp 7), Lucas Criado (hcp 9), Eduardo Heguy (hcp 9) et Lionel Macaire (hcp 8) ; de l’autre Bautista Heguy (hcp 10), Tomas Goti (hcp 7), Guillermo Terrera (hcp7) et Alfonso Pieres (hcp 7). Le match fut somptueux et remporté par l'équipe d'Ernesto Trotz par 9 goals à 8. Un merveilleux souvenir.

L’avenir du polo à Deauville

 

Le polo à Deauville est désormais bien lancé et peut voir l’avenir avec sérénité. Deauville, vitrine du polo français depuis plus d'un siècle, est parti pour le rester longtemps. La Coupe d'Or est l'un des quatre plus grands tournois du monde hors Argentine. Beaucoup d’hommes et de femmes ont œuvré pour que cette excellence demeure, à commencer par les présidents qui ont été : le duc de Gramont, président fondateur jusqu'en 1950, le baron Élie de Rothschild (1951-1974), Guy Wildenstein (1975-1981), le duc de Noailles (1982-1986). Jean-Luc Chartier [1987-1992), Alain Bernard (1993-1996), le comte Philippe de Nicolaÿ [1997-2004 puis de nouveau de 2008 à 2011), Jean-Paul N’Goumou-Jikam (2005-2007), Philippe Bouchara (2012-2014), et enfin Jean-Edouard Mazery, le président en exercice depuis 2015.

 

Chacun d'entre eux a œuvré pour que le Polo de Deauville reste la première référence française et réaffirme sa position internationale. S. A. R. le prince de Galles, Charles d'Angleterre, depuis sa visite à Deauville en 1977, est désormais membre d'honneur du club.

Les maires de Deauville ont tous apporté leur soutien à cette manifestation qui est devenue indissociable de l’image de la ville, et plus particulièrement Michel et Anne d’Ornano, puis Philippe Augier depuis 2001.

Une famille enfin a beaucoup travaillé pour la renommée du tournoi: les Macaire. Cela a commencé avec Jacques et Jules, joueurs talentueux des années soixante-dix ; puis vinrent Lionel et Stéphane, les seuls joueurs français à avoir atteint le handicap 8 ! Ils ont joué sur tous les terrains du monde entre 1980 et 2000 et leur palmarès est impressionnant. Leur nom est intimement lié au Polo de Deauville où ils gagnèrent ensemble la Coupe d'Or en 1980 avec Berengeville ; et Lionel a été très longtemps capitaine des jeux des tournois de Deauville.

 

Les coûts de fonctionnement augmentant, les organisateurs de l'événement ont dû faire appel aux sponsors pour maintenir le tournoi. Ce phénomène quasiment inéluctable a commencé à la fin des années soixante-dix. Ainsi la Coupe d'Or fut-elle patronnée successivement par Gordon’s Gin, puis Lancel (1988), Weston (2000), et depuis 2002 par la chaîne Lucien Barrière.

Enfin, un Club des Supporters de polo de Deauville naît officiellement en 1972, avec pour président-fondateur Jean-Luc Martin. Tombé en léthargie quelques années plus tard, il est relancé en mai 1996 par Yves Laplace, passionné par ce sport, et une seconde vie lui est offerte avec la revue Le Monde du polo, devenue une référence en la matière.

Jeux équestre mondiaux : le polo à l’honneur à Deauville

 

Le samedi 6 septembre 2014, le Deauville International Polo Club a accueilli la démonstration de Polo dans le cadre des Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech 2014 en Normandie. Cette belle journée ensoleillée a vu plus de 2000 personnes, passionnées ou complètement novices, faire le déplacement pour assister à une après-midi entièrement consacrée au Polo !

Le programme de l'après midi :

  • 2 périodes pour les Juniors sur leurs Shetlands, suivies par 2 autres périodes pour les Cadets sur leurs Poneys ! Moment ludique et amusant pour montrer que le polo se pratique dès le plus jeune âge et aussi bien sur des poneys que sur des chevaux !

  • La rencontre Equipe de France vs Reste du Monde : La formation française (PH N'Goumou, C. Delfosse, R. Strom, P. Paillol) a effectué une belle démonstration de polo en remportant la victoire 10 à 6 contre le "Reste du Monde" composé de joueurs professionnels venus des 4 coins de la planète (T. Reinoso, R. Rathore, F. Dear, B. Phillips). Ces cavaliers professionnels ont su offrir un spectacle à la hauteur des espérances avec un public qui s'est vite pris au jeu en mettant une ambiance chaleureuse dans les tribunes du DIPC !!

  • Initiation Polo sur les chevaux de bois : Evrard de Spa et son équipe étaient aussi présents entre chaque match pour vous faire découvrir les gestes de bases au polo. De nombreux spectateurs ont pu tester leur swing et découvrir les premières sensations du polo !

  • Les mi-temps avec la fameuse "remise des mottes" par les spectateurs en présence de la mascotte officielle des JEM, Norman, pour le plus grand plaisir des enfants et des grands.

  • Les remises des premiers : Pour les plus jeunes, sur le terrain en présence de Richard Caleel, président de la FIP, et Jean-Edouard Mazery, secrétaire général de la Fédération Française de Polo et Norman ! Les professionnels sur le podium au milieu du village du DIPC en présence des officiels, suivi d'une séance d'autographes pour tous les fans !

En somme, une jolie journée pour le polo durant laquelle les joueurs ont brillé devant un public venu de tout horizon… À retrouver en images ici.

D'après : Deauville Passion Cheval - Edition Cahiers du Temps Cabourg - 2014 -

bottom of page